Rencontre avec Alexis Bourbeau

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AlexisIl y a quelques temps, nous rencontrions Alexis Bourbeau qui venait alors d’intégrer le CCN – Ballet de Lorraine en tant que danseur. Au cours de l’entrevue, nous avions pu recueillir ses premières impressions mais aussi en savoir davantage sur son parcours et sa carrière. Aujourd’hui, nous partageons avec vous cette rencontre.

Bonjour Alexis, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Alexis Bourbeau. Je suis né à Niort dans le département des Deux-Sèvres. J’ai 30 ans, bientôt 31 en décembre. J’ai commencé la danse alors que j’avais cinq ans.

Quelles étaient tes motivations pour débuter la danse à cet âge ? 

Ma mère l’a décidé pour moi. Elle souhaitait que je fasse une activité physique et faisait elle-même de la danse. Elle m’a alors inscrit dans une école et je ne me suis jamais arrêté de danser depuis.

Quel est ton parcours depuis tes 5 ans ?

J’ai passé cinq ans dans cette première école. Les étés, je participais à des stages de danse et puis un professeur est venu voir ma mère et lui a suggéré que je passe les concours pour l’Ecole de Danse de l’Opéra National de Paris. Au début, ma mère se disait « Non, enfin, pourquoi ? » et chaque année, lors des stages, le professeur relançait ma mère qui a fini par accepter. Je venais alors d’avoir onze ans. J’ai donc passé l’audition pour faire ce que l’on appelle « le petit stage », d’une durée de six mois, à l’Opéra National de Paris et c’est ainsi que tout a commencé. Au départ, danser n’était pas un plaisir pour moi, c’était le choix de ma mère. Mais en entrant dans cette école, j’ai appris à aimer la danse.

A partir de ce moment, j’ai donc suivi une scolarité qui se déroule en six ans. De mon côté, j’y ai passé sept ans et demi. En effet, j’ai commencé par le stage de six mois, puis j’ai continué avec les six divisions officielles, avec chaque année un examen de passage. La dernière année, il s’agit de passer au Corps de Ballet mais je n’ai pas été pris, j’ai donc redoublé ma première division.

Après ces sept années, j’ai voulu voir ce qui se faisait en dehors de la danse classique. Il faut aussi savoir que je faisais d’autres choses en parallèle de la danse classique. L’été, je faisais des stages de moderne/jazz, du hip hop. J’ai donc passé une année à Paris, où j’ai travaillé avec la chorégraphe espagnole Blanca Li. J’ai travaillé durant une saison sur une production, même si ce n’est pas le terme quand on est intermittent du spectacle. Je faisais également des petits projets, des projets de télévision, pour découvrir plein de choses. Mais après cette année passée à Paris, le classique me manquait et je souhaitais m’y remettre. Pour cela, je suis allée à Cannes, chez Rosella Hightower, où il existe un jeune ballet. J’ai alors passé et réussi l’audition. Le fonctionnement là-bas est similaire à celui d’une compagnie : les cours le matin, suivi des répétitions pour les ballets. J’ai ainsi pu me remettre vraiment au classique. Je me suis dit que ce qui me conviendrait vraiment serait de trouver une compagnie de répertoire. Le Ballet de l’Opéra National de Lyon me tentait beaucoup, notamment pour les pièces et les chorégraphes tels que Forsythe, Kylián… J’ai donc passé l’audition pour Lyon, qui s’est bien passée. Je suis resté neuf ans dans cette compagnie, à passer d’un chorégraphe à un autre, du néoclassique au contemporain.

Pourquoi ne pas changer ensuite ? Cela ne m’aurait pas dérangé de partir ensuite à l’étranger, mais être en France, c’est plutôt sympa parce que la famille est là. J’ai donc passé l’audition pour intégrer le CCN – Ballet de Lorraine en février 2015. C’était une très grosse audition : cela commence par un cours de classique à la fin duquel il peut déjà y avoir une sélection, puis cours de contemporain donné par Thomas Caley. Ensuite, nous avons dû apprendre deux parties de pièces du répertoire. C’était les pièces d’Andonis Foniadakis (Justin Cumine, danseur dans la compagnie, nous faisait apprendre Shaker Loops) et de Twyla Tharp, avec In the Upper Room. A chacune des pièces, il y avait une sélection. Ensuite, nous devions faire une improvisation d’après une image donnée par Petter Jacobsson et Thomas Caley. Ils nous ont bien expliqué que nous n’allions pas être jugés sur ce que l’on ferait physiquement, mais ce que l’on pouvait donner par rapport à cette improvisation. Suite à quoi, il y avait de nouveau une sélection. Tout cela se passe en une journée, de 9h à 19h, avec trois quarts d’heures de pause, c’est donc une très longue journée, très complète, où tu ne connais pas tout et tu dois être au maximum. D’autant plus pour moi, parce que cela faisait neuf ans que j’étais dans la compagnie à Lyon, où j’avais ma petite routine et où je savais ce que je devais faire. Personnellement, cela me permettait de voir par rapport aux autres danseurs, que je ne connaissais pas, qui venaient de France, de Suisse, ou d’ailleurs, ce que je valais « sur le marché ». Donc c’était un petit challenge et cela s’est très bien passé. J’ai intégré le CCN – Ballet de Lorraine le 26 août 2015.

Pourquoi le CCN – Ballet de Lorraine ?

J’ai passé d’autres auditions, en Suisse par exemple mais ce qui me plait au CCN – Ballet de Lorraine, c’est justement le fait que ce soit une compagnie de répertoire, avec plusieurs chorégraphes et des pièces vraiment différentes les unes des autres. Je ne cherchais pas à entrer dans une compagnie où le directeur est le chorégraphe, comme à Biarritz par exemple, au Ballet Malandain où toutes les pièces sont de Thierry Malandain. Je souhaitais aussi pouvoir m’exprimer moi-même et ne pas rester dans une seule sphère de travail. Je voulais quelque chose d’éclectique.

Comment s’est passée ton intégration ici ?  

Je le vis super bien ! C’est sûr que Nancy est plus petite que Lyon mais c’est une ville qui bouge énormément. Il y a beaucoup de choses à faire, il n’y a pas le temps de s’ennuyer et c’est vraiment bien. Ensuite, je dois dire que j’appréhendais un peu mon arrivée dans la compagnie. La saison avait déjà commencé avec une tournée et je suis arrivé en cours de route. Mais l’accueil que j’ai pu avoir était génial, qu’il s’agisse des danseurs ou de l’équipe. J’ai beaucoup apprécié. Ils se souciaient de savoir si ça allait, si j’avais trouvé un appartement, si j’avais des questions… Cela a beaucoup joué dans le fait que je me sente bien ici.

Quelles sont tes attentes par rapport à la saison en cours ?

Je n’ai pas forcément d’attente par rapport à cette saison 2015-2016. Je sais simplement que je vais faire quelque chose de complètement différent de ces neuf dernières années et c’est cela qui m’intéresse.

A quoi ressemble une semaine type ici au CCN – Ballet de Lorraine ?

Chaque jour, nous avons un cours d’environ une heure et quart, suivi d’une pause, puis une répétition dont le service dure entre une heure et demie et deux heures. Mais cela peut être variable suivant les semaines. Après cette répétition, nous avons trois quarts d’heure pour déjeuner et cela permet de reprendre des forces sans pour autant se refroidir. Suite à quoi, nous avons deux services de répétition jusqu’à 17h45, mais encore une fois, les horaires peuvent varier selon les besoins des pièces.

Quels sont les aspects les plus difficiles dans le métier de danseur ?

Ce qui est le plus difficile, c’est la « douleur ». En effet, la danse est antinaturelle au possible. Alors le corps n’aime pas cela et il a mal. On se lève le matin et on marche comme un papy de 80 ans et au fur et à mesure de la journée, on réveille le corps pour se sentir mieux. C’est vraiment cet aspect physique qui est le plus difficile. Ce n’est pas négatif non plus et puis cela fait dix ans, vingt ans que l’on travaille avec nos corps, alors nous avons l’habitude.

Quels sont les aspects les plus positifs dans le métier de danseur ?

C’est le fait de pouvoir s’exprimer avec autre chose que la parole. Pour faire le lien avec les aspects un peu négatifs, c’est un challenge de passer au delà de cette douleur et d’arriver à un résultat qui plait au directeur, au public et aux autres danseurs. Ce sont aussi les applaudissements du public à la fin des représentations.

Quelles sont selon toi les qualités indispensables pour danser ?

Il faut aimer cela. Si tu n’aimes pas cela, au bout d’un certain temps, le matin quand tu te lèveras, tu te diras que cela n’en vaut pas la peine. Il faut aussi aimer le dépassement de soi et la remise en question. Le danseur qui ne se remet pas en question ne peut pas progresser.  Même s’il pense que ce qu’il fait bien, il peut toujours faire beaucoup mieux.

Quels sont tes chorégraphes préférés ?

Je dirais Forsythe, que j’adore, Kylián aussi. Ils m’ont un peu donné l’envie de ne pas rester dans le classique. En voyant leur travail, je me suis dit qu’il y avait autre chose que le classique.

Interview réalisée le 7 octobre 2015