La Fabrique au CND : Rencontre avec Petter Jacobsson et Thomas Caley

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Chaque année, le CNDCentre National de la Danse - invite une institution à venir prendre possession de ses espaces le temps d’une journée, à la rencontre de tous les publics. Son premier invité est le CCN – Ballet de Lorraine ! Nous avons donc rencontré Petter Jacobsson et Thomas Caley pour qu’ils nous en apprennent davantage sur cette journée inédite.

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© Thomas Caley

Pouvez-vous présenter La Fabrique, que vous proposez au CND le 16 janvier prochain ?

Petter Jacobsson : La Fabrique est un projet dans lequel nous souhaitons présenter l’importante activité du CCN – Ballet de Lorraine, au delà de ce qui est programmé au Théâtre National de Chaillot. Des extraits de pièce seront présentés, sans  les costumes, ni les décors. Il s’agit d’entrer dans « La Fabrique » et de d’observer la complexité du CCN – Ballet de Lorraine.

Thomas Caley : Je pense que c’est aussi important de montrer la complexité de notre compagnie : nos classes quotidiennes, nos répétitions quotidiennes. Le rythme quotidien de notre compagnie est très diversifié. C’est très important de montrer cet aspect, et pas uniquement le produit fini, comme nous pouvons le faire au Théâtre National de Chaillot, avec la « performance parfaite ». Nous souhaitons montrer le travail derrière ces performances et les aspérités de chaque représentation. Il faut savoir que chaque jour, nous pouvons répéter de trois à six pièces du répertoire. En parallèle, une école peut venir visiter les lieux et participer à un atelier. Pendant ce même temps, des costumes sont pensés et réalisés ici-même. Nous avons aussi une administration qui s’assure du budget, des tournées, de la communication… Mais la plupart des personnes ne voit que le produit fini sur scène et ne sait pas toujours ce qu’il se passe en coulisses. Pour cet événement au CND, il s’agissait donc de montrer l’envers de tout cela. D’une certaine manière, nous souhaitions jouer avec l’idée d’un entre-temps entre la répétition et la représentation, et questionner cette frontière.

Petter : Avec La Fabrique, nous allons présenter la pratique de la danse dans son ensemble.

Thomas : Petter a mentionné qu’il n’y aurait ni costumes ni performances lumières/sons. L’esthétique des pièces sera aussi différente, puisque les danseurs seront vêtus en noir. Cela permettra au public de comprendre le voyage physique que font les danseurs à travers un très grand nombre d’époques. Ils peuvent parfois voyager à travers 90 ans d’esthétisme dans la danse en deux heures. Au CND, cela sera donc perçu différemment puisque nous ne mettrons en valeur que le travail physique fait par les danseurs.

Qui est à l’initiative de ce projet ?

Thomas : Chaque année, le CND invite une compagnie le temps d’une journée.

Petter : Nous avons alors présenté un projet. En ce moment, nous sommes aussi en partenariat avec le Théâtre National de Chaillot à Paris, nous avons pu ainsi développer quelque chose beaucoup plus facilement. Nous sommes les premiers à participer à cet événement.

La Fabrique s’adresse donc à un public assez large…

Thomas : Le CND souhaitait à travers cette journée que nous impliquions les publics à travers la performance et l’art mais aussi que nous les « accrochions » et que nous les touchions, à travers des ateliers, des projections, une exposition… Bien sûr, comme toute institution, nous souhaitons développer le public amateur ainsi que le public professionnel. Inviter et toucher un public le plus large qui soit est une mission commune des CCN et du CND.

Petter : La Fabrique permet de présenter la richesse de notre projet. Le nom de notre institution est très évocateur d’un point de vue historique. Mais les gens doivent comprendre ce qu’il y a au delà du nom. Il ne s’agit pas uniquement d’un spectacle dans un grand théâtre, avec beaucoup de monde.

Thomas: Il faut ouvrir le concept du mot « ballet ». Il ne doit pas uniquement évoquer la notion de classique, il doit simplement évoquer la danse dans sa globalité.

Petter : Changer l’image qu’il peut y avoir derrière le mot ballet représente un très gros challenge, c’est très intéressant.

Thomas : C’est intéressant mais aussi très compliqué. Cependant, je pense qu’avec un mot comme ballet, avec l’histoire qu’il évoque, nous avons la possibilité de toucher une large audience. Tout ce qui est du champ de l’expérimental touche une petite audience, alors qu’avec notre nom, nos tournées, nos représentations à l’Opéra national de Lorraine ainsi que les lieux que nous investissons, nous pouvons toucher une audience plus large. Finalement, nous avons la possibilité de présenter de nouvelles idées à un public plus large grâce à cet intitulé. C’est le nom de notre compagnie, c’est là où nous sommes et nous avons la très grande responsabilité d’ouvrir le concept qui peut y  avoir derrière le mot ballet.

Petter : Nous devons évoluer avec le temps et pour cela, nous faisons de nouvelles propositions.

Thomas : Pour prendre un exemple, le premier programme Paris-New York-Paris que nous avons présenté au Théâtre National de Chaillot a suscité quelques réactions pendant la pièce Relâche, durant la projection du film de René Clair intégré dans le spectacle. Une femme a notamment dit très distinctement et assez fort : « On est là pour voir du spectacle vivant ». C’est une pièce qui croise différents types d’art et de performances et questionne ce qu’est la danse et ce qu’elle peut être. Comme je l’ai déjà dit, au Théâtre National de Chaillot, nous touchons un large public, c’était d’ailleurs complet. Beaucoup de personnes sont venues pour les pièces, et d’autres sont venues pour le CCN – Ballet de Lorraine. Je trouve cela intéressant qu’une personne réagisse ainsi pour dire ce que l’on devrait faire ou montrer. Comme nous nous sommes le CCN – Ballet de Lorraine, cette femme devait  penser que nous devions danser, et non diffuser un film, qui pourtant peut-être considéré d’une certaine manière comme de l’art vivant.

Comment s’est construit le projet de la Fabrique ?

Thomas : Il s’agit, comme on l’a dit, des pratiques quotidiennes du CCN – Ballet de Lorraine. Mais ce qui est plus important, c’est une présentation de notre projet et des directions nous souhaitons prendre. Petter et moi avons invité certains chorégraphes et professeurs à nous poser des questions, à questionner la danse et nos danseurs. Pour ouvrir l’idée de ce que pourrait être la danse. Pour le Théâtre National de Chaillot, les pièces devaient toucher un large public. Au CND, nous proposons plutôt des pièces qui doivent être vues de près, avec des choses recherchées et expérimentées avec les danseurs. L’exposition de photographies permettra de montrer le voyage complexe que la compagnie a fait dans le temps : elle est une compagnie de danse contemporaine, a été une compagnie de danse moins contemporaine, mais aussi une compagnie de ballet classique… C’est donc un panel très vaste d’esthétiques qui doivent être expliquées.

Petter : On peut aussi regarder la place du ballet dans la ville, d’un point de vue politique, avec les différentes époques et les différentes envies. L’objectif est de mieux comprendre cela. Ensuite, il faut voir ce projet selon la praticité. Nous n’avions que très peu de temps et nous devions choisir et répéter les pièces en fonction de leur disponibilité. Nous ne pouvions pas tout présenter et il fallait créer un après-midi dynamique, intéressant et compréhensible.

Thomas : Nous avons choisi très spécifiquement les pièces présentées samedi. Le public sera ainsi directement confronté à la pièce de Mathilde Monnier, Objets re-trouvés.  Cette pièce a été créée en collaboration avec les danseurs, sur la base de leurs souvenirs de danse et de leurs cours. Ils sont alors leurs propres archives vivantes. EEEXEEECUUUUTIOOOOONS!!! de La Ribot, est l’œuvre de notre répertoire qui explique le plus simplement La Fabrique. La pièce représente une fabrique qui ne cesse de rechercher et bouger, dans laquelle nous ne nous arrêtons jamais. Le Grand Studio au CND sera habillé de miroirs au sol, faisant référence à Armide (pièce présentée à l’Opéra National de Lorraine en 2015), avec l’idée de symétrie à tous les niveaux, à l’horizontale comme à la verticale et avec l’idée de regarder en arrière sur notre histoire, avec la présentation de Sounddance et d’Opal Loop. Les Centres chorégraphiques nationaux sont souvent évocateurs de nouvelles créations, mais parfois les nouvelles créations reflètent et parlent du passé en même temps.

Petter : Si l’on devenait définir cet après-midi en un mot, ce serait proximité…

Thomas : C’est une journée entre performance et répétitions, projections, ateliers et expositions, qui met en valeur la diversité de notre projet.

Interview réalisée le 11 janvier 2016

Retrouvez le programme détaillé sur le site du CND : http://www.cnd.fr/projet