Entretien avec Andonis Foniadakis

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Réalisé en juin 2014

Andonis Foniadakis, chorégraphe d’origine grec, a choisi pour sa première chorégraphie au CCN – Ballet de Lorraine, l’une des œuvres les plus jouées du compositeur John Adams : Shaker Loops.
Andonis Foniadakis a souhaité révéler d’autres facettes de cette partition qui colle selon lui parfaitement aux bouillonnements de notre époque. Nous retrouverons donc sur la scène de l’Opéra national de Lorraine la dynamique électrisante de la musique de John Adams au travers de cette création pour les danseurs du CCN – Ballet de Lorraine.
Nous avons souhaité en savoir plus sur cette pièce et le processus de création du chorégraphe.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec la composition Shaker Loops de John Adams ?

Quand Petter Jacobsson m’a contacté pour créer une pièce, il m’a proposé différents noms de compositeurs, parmi lesquels John Adams. J’ai écouté plusieurs de ses oeuvres et Shaker Loops m’a davantage stimulé que les autres. Pour sa frénésie et sa vivacité principalement. C’est une oeuvre quasiment… vicieuse. Il y a un coté abusif avec l’aspect répétitif mais une réelle puissance… un côté tellement malin sur la manière dont s’entreposent les loops. Il y a un constant combat sur la musique et l’on est toujours poussé à réécouter, c’est pour ça qu’elle est la plus intrigante.

Vous ne la connaissiez pas du tout avant ?

Non du tout. C’est très intéressant de travailler à partir de cette dernière, surtout au vue de son histoire et de son influence sur la musique. En tant que chorégraphe, c’est un vrai challenge car c’est une référence ! C’est une vraie bataille de style.

Quel effet cela vous procure en tant que chorégraphe ?

J’ai lu de nombreuses informations sur comment John Adams a été influencé, par exemple par le comportement de l’eau sur un lac, les vagues, le vent, ce qui fait que l’eau est plus agitée… Comme je viens de Grèce où j’ai toujours un contact avec l’eau, un centre de connexion se fait avec son travail quand j’écoute sa musique. La clé, c’est de créer en respectant sa partition, je dirais même en créant une partition parallèle. Ce sens de la fluidité est quasi continu.
Le challenge et l’inspiration étaient finalement assez simples : vibrer avec la même manière dont la musique vibre, créer un monde parallèle qui en superposant servira la musique, et vice-versa. L’un dynamise l’autre.
Après quelques semaines de travail avec les danseurs, de nouvelles facettes de la musique se dévoilent à moi, l’action même dévoile des choses, je suis assez surpris. Les corps, la danse donnent un autre aspect à la musique.

Le fait de travailler sur cette musique et de se confronter à elle depuis un certain nombre de semaine, ça vous pousse à travailler différemment avec les danseurs? 

Oui, si par exemple je faisais une création avec un autre choix musical ou si je créais la musique, j’aurais un temps plus confortable pour élaborer la chorégraphie. Le style du mouvement est affecté par la qualité du son. Là, c’est un peu plus difficile que d’habitude parce que j’écoute mon propre mouvement, mon timing, et ensuite la musique fait un ensemble. Ici, la difficulté est d’aller sur le rythme de quelqu’un d’autre. Dans la recherche en studio, je suis assez déterminé sur mon mode de fonctionnement. J’ai une façon spécifique à vibrer sur la musique, toute la notion d’expérimentation n’est pas forcément valable sur les choix finaux que je vais utiliser.

Vous en êtes à la quatrième semaine de travail avec les danseurs. Y-a-t-il des surprises, des choses inattendues?

Il y a eu des déviations par rapport au cadre que je m’étais posé. Ca pourra arriver jusqu’à la fin, des petites retouches à faire. Même si la pièce est abstraite, c’est une partition parallèle à l’oeuvre de John Adams, il y a une couleur, un début, une fin et cela doit faire un voyage pour le spectateur. Je ne peux pas rester abstrait sur la partition, il faut que je crée une « histoire », une sensation sur scène.

La pièce sera jouée sur scène en octobre avec un orchestre live, qu’est-ce que cela représente pour vous ?

C’est une grande peur en fait. J’ai déjà fait des chorégraphies avec un peu d’orchestre mais c’est la première fois avec un septuor sur scène. Je ne sais pas ce que cela va amener dans la pièce. Ce sera difficile car ce ne sera pas une bande enregistré, et ma pièce est préparée avec un enregistrement qui est toujours le même. J’ai peur que la moindre modification de tempo ou autre, affecte l’énergie déployée. En tout cas, je suis plutôt excité à l’idée de trouver des solutions, je ne reste pas sur cette peur, ça peut amener un combat physique entre le septuor et la danse. Ca donnera des extensions pour les spectateurs d’observer des actions que je n’ai pas imaginées.

Tu souhaites les impliquer un peu plus en tant qu’interprètes ?

Non, je souhaite que la pièce puisse être faite ensuite sans musicien. Je vais tout de même les positionner de manière importante sur scène, mais ils n’interagiront pas. C’est ça qui est bien avec la danse, on peut ajuster.

En période de répétitions, comment définis-tu la relation avec les danseurs?

J’avais déjà vu certains danseurs donc certains visages ne m’étaient pas inconnus. Pour les autres je ne les connaissais pas. Le début de la relation était un peu timide, mais désormais on se connait suffisamment pour avoir une ambiance plus détendue. Ils sont très respectueux. Tout s’est très bien passé, l’ambiance reste concentrée. La compagnie s’est bien habituée à moi. Ce n’était pas forcément évident au début parce que j’ai senti le changement de rythme. Là ils commencent à s’amuser, ce qui pouvait ne pas forcément être le cas au début. Le rythme est très soutenu. J’espère qu’ils s’amuseront sur scène, ça dépasse mon envie de rigueur, je veux qu’ils s’éclatent.

Au niveau de la scénographie, que pourriez-vous révéler ?

Il n’y a pas de scénographie. Il y a les corps et la musique, ça se suffit, c’est d’une simplicité extrême. La danse est suffisamment compliquée. Pour les costumes, on opte pour quelque chose de simple, jeune, athlétique,… Je ne voulais pas compliquer les choses avec des costumes, ça peut créer un caractère ou une époque, ce n’est pas ce que je souhaitais. Je voulais quelque chose de clean, où on prenne plaisir à les voir, à voir le travail sur leur corps. Peut-être une touche de couleur pour évoquer de la joie au travers de cela, mais la musique ne laisse pas beaucoup de place pour la fantaisie.
John Adams laisse toujours une électricité dans sa musique… Je pense que c’est une musique qui va bien avec l’époque actuelle. Le monde est en bouillonnement permanent et cette musique a presque cette frénésie et cette hystérie. La musique est assez juste pour ce que l’on vit.

Comment as-tu choisi la version?

J’ai écouté plusieurs versions en ligne parce que je ne trouvais rien en boutiques, et j’ai trouvé celle-ci. Elle est orchestrée sous la direction de Kent Nagano et j’ai trouvé les temp jubilatoires… c’était joué par un orchestre, nous ce sera un septuor. Aussi, je compte amplifier les instruments pour avoir un volume et un impact très fort.
Je n’ai pas envie d’arriver sur le plateau pour suggérer des choses. J’ai envie que la musique soit au premier plan, puis la danse, sinon la danse perdrait de sa force. La pièce dure 25 minutes environ, selon la durée de la partitiion, cela dépendra des intervalles.

Propos recueillis en juin 2014

Shaker Loops d’Andonis Foniadakis vous est présentée le 18 octobre 2014 à 15h et à 20h et le 19 octobre à 15h à l’Opéra national de Lorraine dans le cadre de notre premier programme : LIVEXTREME

Pour plus d’informations : http://ballet-de-lorraine.eu.bunkerpalace.com/